Une théorie linguistique rejetée pendant 40 ans finalement validée par les experts

Author: Unknown

Date: 26/10/2025

Une même réalité peut se dire en un mot ou en dix selon les sociétés. En comparant des centaines de langues, des linguistes montrent que cette variabilité n’est pas aléatoire. Elle suit les priorités culturelles propres à chaque peuple. Cette élaboration lexicale, longtemps méconnue, relie directement nos mots à nos modes de vie.

En avril 2025, une équipe dirigée par Charles Kemp et Temuulen Khishigsuren, de l’Université de Melbourne, a publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences la première étude computationnelle globale sur ce phénomène. Leur méthode, appliquée à plus de 1 500 dictionnaires bilingues couvrant 616 langues, mesure la proportion du vocabulaire consacrée à différents domaines culturels. Ce qu’ils ont découvert dépasse la simple anecdote. Les langues façonnent bel et bien des univers mentaux distincts.

Les chercheurs ont ainsi montré que les langues aborigènes australiennes foisonnent de termes liés au désert, que le sanskrit regorge de nuances pour désigner les éléphants et que les idiomes océaniques se distinguent par une profusion de mots pour les odeurs. Ce constat vient donner raison, avec un siècle de retard, à une intuition longtemps balayée : nos environnements et nos cultures sculptent le lexique à leur image.

Les auteurs désignent ce phénomène sous le nom d’élaboration lexicale. Ce terme décrit la tendance d’une langue à multiplier les mots autour d’un concept jugé significatif par sa communauté. Là où une autre se contenterait d’une périphrase, certaines inventent un terme unique, signe d’une familiarité quotidienne avec l’idée qu’il exprime.

L’équipe de Melbourne a pu vérifier plus de 160 cas recensés par la littérature linguistique et confirmer près de 90 % d’entre eux. Les Inuits distinguent bien plusieurs types de neige, les Saami possèdent un lexique foisonnant pour le renne, et les langues bantoues différencient les formes de pluie ou les herbes comestibles. À l’inverse, des découvertes plus surprenantes montrent que le portugais compte de nombreux mots pour l’extase, que l’hindi raffine le vocabulaire de l’amour et que certaines langues amérindiennes disposent de dizaines de verbes liés à la danse.

Source: https://www.science-et-vie.com/societe/une-theorie-linguistique-rejetee-pendant-40-ans-finalement-validee-par-les-experts-215423.html

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