À quoi ressemblerait un monde sans porno ?

Author: Unknown

Date: 18/07/2025

Ludi Demol Defe, docteure en sciences de l’information et de la communication, spécialiste du rapport qu’entretiennent les jeunes avec la pornographie, est ainsi revenue sur les risques d’une France sans pornographie, comme le développement de marchés clandestins et la diminution du contrôle sur les contenus diffusés.

On sait très bien que la prohibition développe des marchés clandestins. L’apparition de ces marchés mettrait au même niveau des films « volés » - avec du contenu issu de productions répondant à une législation avec des contrats de travail, des dépistages, des coordinatrices d’intimité… - et d’autres contenus non professionnels échappant à toute législation, par exemple des enregistrements filmés illégalement, ou pire pédocriminels. Interdire la pornographie en France empêcherait tout contrôle sur les films diffusés et accessibles.

La loi du gouvernement français vise les sites étiquetés comme pornographiques mais il existe aussi des contenus pornographiques ailleurs, comme sur les réseaux sociaux. Donc, l’interdiction reste très limitée.

Mais surtout, ce qu’on reproche à la pornographie est de mettre en scène la domination masculine et les violences sexistes et sexuelles (VSS). Mais ces reproches ne concernent pas toute la pornographie puisqu’il existe de la pornographie gay ou de la domination féminine. Surtout, ces reproches dépassent la question de la seule pornographie.

D’ailleurs, il n’existe aucune étude établissant un lien de causalité entre la consommation de pornographie et les actes de VSS. Même si la pornographie met en scène la domination masculine et les violences sexistes et sexuelles, ce n’est pas la seule. La question de la silenciation des victimes et la minimisation des comportements des agresseurs vont bien au-delà de la pornographie.

En parlant de pornographie pour parler de représentation de la domination masculine et des VSS, on oublie que ce ne sont pas des sujets inhérents à la pornographie. Ils sont structurellement présents et ne disparaîtront pas avec la disparition de la pornographie.

Et on a beaucoup d’exemples médiatiques. Emmanuel Macron qui défend Gérard Depardieu, Joël Guerriau qui garde son salaire de sénateur alors qu’il a été pris en flagrant délit de soumission chimique et tentative de viol, ou encore Nicolas Bedos, condamné pour VSS qui publie un livre, et qui est invité sur les plateaux, sans aucune contradiction… Structurellement, on a un système qui continue de minimiser la parole des victimes et les actes des auteurs.

Quelles mesures seraient davantage efficaces ?

Il faut déjà appliquer et renforcer les politiques d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (evars), ce qui nécessite des moyens humains et financiers supplémentaires. Également former tous les personnels travaillant avec des jeunes. Mais nous avons surtout besoin d’une réelle prise de conscience du sexisme de notre société, et la mise en place de politiques allant dans ce sens. On pourrait par exemple imaginer une loi interdisant aux agresseurs sexuels condamnés d’écrire un livre sur le sujet et en faire la promotion à la télé sans contradiction. On pourrait aussi interdire la nomination d’hommes accusés de violences sexuelles à des postes importants. Nous avons besoin d’un véritable travail autour du sexisme touchant toutes les strates de notre société.

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